Une présentation des chenilles processionnaires et de ses enjeux pour la santé.
Focus
Les inégalités sociales de santé (ISS) dans l’aménagement de la ville
Mots clésLes inégalités sociales de santé ne sont pas une fatalité. Pour les réduire il faut travailler sur les grands déterminants socio-économiques que sont l'accès à l'éducation, au logement, à l'emploi et aux transports, un ensemble de facteurs sur lesquels l'urbanisme et l'aménagement de la ville agissent de manière directe ou en facilitant des comportements favorables à la santé.
Comprendre les Inégalités sociales de santé (ISS)
Les ISS sont une différence d'état de santé observées entre des groupes sociaux. Ces différences sont socialement construites et injustes si elles sont hors de contrôle des individus. Ces ISS s'illustrent par le fait que ceux qui sont au sommet de la pyramide sociale jouissent d'une meilleure santé que ceux qui sont directement au-dessous d'eux. Ces individus sont en meilleure santé que ceux qui sont juste en dessous et ainsi de suite jusqu'aux plus bas échelons dessinant ce que l'on appelle un gradient social de santé.
La France est l'un des pays d'Europe de l'Ouest où les inégalités sont les plus fortes. Cette affirmation peut paraitre surprenante, mais elle est le résultat d'un paradoxe. D'un côté, le pays connait un allongement de l'espérance de vie accompagné d'un recul important de la mortalité au cours des dernières décennies. De l'autre, le système de santé est performant et poursuit l'objectif d'agir sur les ISS. Malgré cela, les ISS n'ont cessé de s'accentuer ces dernières années et se manifestent par exemple aujourd'hui par un écart d'espérance de vie de 13 ans entre les Français les plus et les moins fortunés.
Comment expliquer ce paradoxe ? La réponse la plus simple est la suivante : les soins individuels et notamment l'accès aux soins ne sont pas les seuls facteurs qui agissent sur la santé. D'autres éléments liés aux conditions socio-économiques de l'individu et à sa qualité de vie (logement, éducation, emploi, fiscalité, pollutions chimiques, transports, conditions de travail, réseau social…) impactent et déterminent la santé présente et future des individus. Ce sont ces déterminants et leur influence sur la santé qui expliquent en partie les résultats défavorables de la France pour les ISS et non pas seulement le système de soins.
Face à ces conclusions, agir sur l'aménagement urbains semble être une piste prometteuse pour agir sur les ISS. En effet, la ville et les décisions politiques en matière d'aménagement, d'équipement mais aussi de services mis à disposition agissent sur de multiples déterminants de la santé, à la fois socio-économiques et environnementaux : les pollutions, les nuisances sonores, l'emploi, l'agriculture en ville, l'aménagement du territoire favorisant l'activité physique et les déplacements, la politique de l'habitat, la lutte contre l'isolement social, l'offre de soins, sont une liste non exhaustive des déterminants de la santé, liés de près ou de loin à l'aménagement urbain.
La ville face aux ISS
De nombreux travaux ont démontré l'impact positif ou négatif de l'environnement physico-chimique sur la santé des individus. Les liens entre l'exposition à des nuisances sonores de manière chronique et le risque d'AVC à 65 ans entre les espaces verts et la santé mentale (Beaudoin et Levasseur 2017) ou entre qualité de l'air et la mortalité (Cochet, 2016) sont quelques exemples qui illustrent l'impact que peut avoir l'aménagement urbain et les politiques de la ville sur la santé des individus.
D'autres travaux ont mis en évidence que certains impacts étaient différenciés entre groupes sociaux au détriment des populations les plus défavorisées. Cumulant des désavantages, celles-ci sont à la fois plus souvent exposées aux effets délétères de l'environnement (Observatoire Régional de la Santé Ile-de-France et Institut d'Aménagement et d'Urbanisme Ile-de-France, 2016) et ont leur santé impactée de manière plus intense que celle des populations plus favorisées (Deguen et Zmirou-Navier 2010).
L'aménagement des espaces verts est aussi un marqueur des ISS dans l'aménagement de la ville. Souvent inégalement répartis dans la ville, ils ne bénéficient pas à tous, et notamment aux personnes les plus défavorisées. Or, vivre à proximité d'un espace vert aurait pour conséquence de neutraliser l'effet délétère du revenu sur la santé et donc de réduire les ISS.
Ces constats montrent qu'il existe « une double injustice » dans la ville. Les personnes les plus défavorisées sont plus exposées à des environnements délétères pour leur santé et sont souvent les plus éloignées des infrastructures qui pourraient améliorer leur qualité de vie.
Comment agir ?
Les constats sur les ISS et les leviers pour les prendre en compte dans la conception de la ville sont de plus en plus identifiés par la recherche mais leur prise en compte dans les projets d'aménagement est loin d'être systématique.
La recherche est largement dominée par la mesure de l'impact de l'environnement physico-chimique sur la santé, qui a donné lieu à un grand nombre de recommandations et de règlements en matière d'aménagement urbain. Les ISS restent un sujet peu traité, sur lequel les moyens d'agir sont encore peu identifiés et demandent une collaboration entre spécialistes de santé publique et urbanistes. Cela peut se traduire par des travaux de recherche pluridisciplinaires afin d'agir sur l'ensemble des déterminants sociaux de santé liés à la ville.
Une attention particulière doit également être portée sur le transfert des connaissances des chercheurs aux aménageurs de la ville concernant les expositions différentielles. Prendre conscience de l'existence des ISS et se donner comme objectif de les réduire est un premier pas vers la conception d'une ville plus juste.
Enfin, inclure les ISS dans l'aménagement aujourd'hui, c'est aussi prévenir les effets néfastes du changement climatique sur la santé de demain. Il est évident que toutes les populations ne disposeront pas des mêmes moyens pour faire face aux effets du réchauffement climatique et à ses conséquences sur leur santé.
Références
- Beaudoin, Mélanie et Marie-Eve Levasseur. 2017. « Verdir les villes pour la santé de la population, Changement climatique ». Québec : institut National de Santé Publique du Québec (INSPQ).
- Cochet, A. 2016. « Impact de l'exposition chronique à la pollution de l'air sur la mortalité en France : point sur la région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées. » SaintMaurice : Santé publique France, 2.
- Deguen, S., et D. Zmirou-Navier. 2010. « Social Inequalities Resulting from Health Risks Related to Ambient Air Quality--A European Review ». The European Journal of Public Health 20 (1): 27‑35. https://doi.org/10.1093/eurpub/ckp220
- Mitchell, Richard, et Frank Popham. 2008. « Effect of Exposure to Natural Environment on Health Inequalities: An Observational Population Study ». The Lancet 372 (9650): 1655‑60. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(08)61689-X
- Nauze-Fichet, E, J-B Chapion, C Collin, C Lesdos-Cauhapé, et V Quenechdu. 2018. « L'espérance de vie par niveau de vie : chez les hommes, 13 ans d'écart entre les plus aisés et les plus modestes ». Insee Première n°1687. Insee.
- Observatoire Régional de la Santé Ile de France, et Institut d'Aménagement et d'Urbanisme Ile-de-France. 2016. « Inégalités environnementales : Identification de points noirs environnementaux en région île-de-France ».
- Sorensen, M., M. Hvidberg, Z. J. Andersen, R. B. Nordsborg, K. G. Lillelund, J. Jakobsen, A. Tjonneland, K. Overvad, et O. Raaschou-Nielsen. 2011. « Road Traffic Noise and Stroke: A Prospective Cohort Study ». European Heart Journal 32 (6): 737‑44. https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehq46
Source :
Cet article est issu du « Dossier-ressources Urbanisme et Santé-Environnement » et édité par le Réseau Régional Éduquer en Santé-Environnement Occitanie.