Une présentation des chenilles processionnaires et de ses enjeux pour la santé.
Méthode
Sans peur et sans reproche : une éducation à l’environnement promotrice de santé
Mots clésL'objectif de l'éducation en santé-environnement est souvent d'« informer les gens sur les risques », car « il faut que les gens sachent », il faut « leur dire la vérité ».
Cette approche s'inscrit dans une démarche visant le changement de comportement et s'appuie sur la croyance, scientifiquement infondée, qu'il existe un lien direct entre les connaissances et les comportements. L'évocation des risques environnementaux échappe rarement à l'utilisation de la peur et de la menace : « si vous faites/ne faites pas... voyez ce qui va vous arriver, ce qui va arriver à vos enfants, ce qui va arriver à la planète..».
Manipulation ou éducation ?
Cette stratégie relève davantage de la manipulation que de l'éducation. Elle ne vise pas à accroître l'aptitude des personnes à se forger une opinion sur les liens entre leur environnement et leur santé, à les aider à identifier les leviers sur lesquels elles peuvent agir, à mobiliser les responsabilités à quelque niveau qu'elles soient et à intervenir dans le débat public concernant la santé-environnement. Il s'agit de les contraindre et de les culpabiliser afin qu'elles adoptent les « bons » comportements en matière de protection de l'environnement conçue comme une cause supérieure à toute autre.
L'utilisation de la peur à des fins prétendument éducatives, en réalité de contrôle social, dans un rapport infantilisant avec la population, entre en contradiction avec les valeurs de la promotion de la santé et avec celles de nombre d'acteurs de l'éducation à la santé-environnement.
Il n'est pas question de solidarité puisque ceux qui n'adoptent pas les comportements attendus sont stigmatisés et les tensions entre groupes sociaux s'en trouvent accentuées. Il n'est pas question non plus de justice sociale puisque l'appartenance à un milieu socialement défavorisé est associée à une moindre capacité à faire face aux menaces. Il n'est pas question de participation démocratique puisque les messages de peur sont généralement assénés à la population sans qu'elle ait été interrogée sur ses besoins prioritaires. Enfin, il n'est pas question d'empowerment puisque la peur provoque une sidération liée au sentiment d'être impuissant à agir et débordé par l'ampleur des phénomènes.
Efficacité versus éthique ?
L'utilisation de la peur dans le champ de la santé-environnement soulève ces questions éthiques sans répondre à l'exigence d'efficacité que l'on est en droit d'attendre dès lors qu'il s'agit de la santé des populations. L'argument selon lequel « la fin justifierait les moyens » ne tient pas.
Le choc suscité par l'information sur les risques environnementaux ne dure pas - comme un conducteur lève le pied en dépassant le lieu d'un accident pour mieux appuyer sur le champignon quelques kilomètres plus loin. Les émetteurs de ces informations doivent à la fois renouveler fréquemment leurs actions - ce qui n'est pas toujours possible - et entrer dans une surenchère en termes de niveau de peur - les destinataires s'habituant à la menace et tendant progressivement à en nier l'importance... à l'instar des fumeurs collectionneurs d'images choc sur les paquets de cigarettes.
De plus, la population n'est pas en capacité de gérer efficacement l'intégralité des risques et des injonctions auxquelles on la confronte : les risques environnementaux se superposent aux risques d'accident de la route, de cancer, d'obésité, de maladie cardiovasculaire, de diabète, etc. Parmi ces maux, elle va donc choisir les moindres, c'est-à-dire ceux sur lesquels elle se sent le plus en capacité d'agir ; or, l'utilisation de la peur diminue son sentiment de pouvoir agir efficacement sur son environnement.
Des mécanismes de défense psychologiques contre-productifs
Enfin, l'utilisation de la peur en santé-environnement provoque la mise en place de mécanismes de défense permettant aux personnes de contrôler leur peur sans agir sur la menace ou sur le risque : l'incrédulité ou le scepticisme, l'externalisation des responsabilités, la mise en avant de problèmes considérés comme plus immédiats ou le fatalisme (« mon action sera une goutte d'eau dans l'océan»).
L'attitude de la population vis-à-vis des problèmes environnementaux est directement liée aux différentes stratégies psychologiques pour diminuer la peur : éviter les faits, souligner les incertitudes scientifiques, se focaliser sur les désagréments mineurs liés aux changements, dénigrer les spécialistes du climat.
Pour une éducation émancipatrice
L'éducation en santé-environnement suppose de se pencher sur la relation des personnes et des groupes sociaux à leur environnement, relation déterminée par la représentation de l'environnement que chacun construit : nature, ressource, problème, milieu de vie ou de travail, territoire ou biosphère, projet politique ou communautaire ?
Cette éducation doit être émancipatrice et développer l'autonomie, la créativité et l'esprit critique ainsi que le vouloir et le pouvoir-faire dans la population. La peur va à l'encontre de ces finalités.
- SAUVÉ L., GODMAIRE H., L'éducation relative à la santé environnementale : une approche holistique et participative. EcoHealth ; supp. 2, 2004, p. 35-36
- VAN STEENBERGHE., DOUMONT D., L'éducation relative à la santé environnementale en milieu communautaire : un nouveau champ en émergence ? UCL-RESO, Unité d'Education pour la santé, Université Catholique de Louvain : 2005