Une présentation des chenilles processionnaires et de ses enjeux pour la santé.
Focus
Insécurité alimentaire et précarité alimentaire
Mots clésL'insécurité alimentaire se définit en contrepoint de la sécurité alimentaire. Trois définitions génériques servent de référence :
- Capacité de tout temps d'approvisionner le monde en produits de base, pour soutenir la croissance de la consommation alimentaire, tout en maîtrisant les fluctuations et les prix (Organisation des Nations Unies, 1975).
- L'accès pour tous et en tout temps à une alimentation suffisante pour une vie active et en bonne santé (Banque Mondiale, 1986).
- Capacité pour toute personne de posséder à tout moment un accès physique et économique aux besoins alimentaires de base (Programme Alimentaire Mondial, 1989).
Quelles dimensions pour la sécurité alimentaire ?
La notion de sécurité alimentaire, aujourd'hui reprise dans le cadre des Etats généraux de l'Alimentation (EGA), n'est pourtant pas la façon dont parlent les associations de lutte contre la précarité : on parle plutôt de précarité alimentaire. Dans cette précarité alimentaire, nous y mettons de façon primordiale l'enjeu du lien social.
La littérature autour de l'insécurité alimentaire montre qu'elle est essentiellement traitée dans le cadre des économies nationales et privilégie des approches en termes de disponibilités caloriques. Elle alimente ainsi une approche productiviste de la sécurité alimentaire qui recommande des stratégies d'accroissement de ces disponibilités face aux besoins fondés par les normes de consommation au regard de l'augmentation démographique et des ratios de population urbaine par rapport à la population active agricole. Nous savons aujourd'hui que le productivisme intensif a provoqué et provoque encore des problèmes de santé publique (obésité, maladie de Creutzfeldt-Jakob…). Les faits ont montré que l'accès à l'alimentation, en termes de quantité, avait un impact sur la production alimentaire, notamment en laissant de côté la dimension qualitative (nutrition, goût, durabilité) mais également en lien au modèle agricole soutenu (Bruegel, Stanziani, 2004).
Pour autant, pour avancer dans la compréhension de l'insécurité alimentaire, il s'agit de saisir le processus à l'oeuvre dans l'accès ou non à une alimentation et dans ce cadre, le concept de sécurité alimentaire ne couvre pas l'étendue des différentes dimensions. Face aux dimensions structurelles qui caractérisent la sécurité alimentaire dans ses définitions génériques (disponibilité, condition d'accès, qualité sanitaire et nutritionnelle, stabilité de l'offre), des éléments transversaux bousculent la situation ; celles-ci sont de trois ordres :
- Sociale : prise en compte des populations vulnérables,
- Culturelle : respect de l'identité socio-culturelle et des pratiques alimentaires,
- Politique : contribution à la souveraineté et à la démocratie alimentaire, mise en place d'une gouvernance alimentaire.
Il faut alors élargir et renforcer le concept de sécurité alimentaire par la prise en compte des actions et des processus qui fabriquent celle-ci (leur absence pouvant s'interpréter comme éléments d'insécurité alimentaire), coordonner et rendre cohérentes ces différentes actions visant à la sécurité alimentaire, diversifier les produits et les systèmes agro-alimentaires, renforcer les capacités des personnes, des réseaux, des institutions à réagir (résilience face aux crises) pour construire une alimentation durable.
Nous passons ainsi d'un concept de sécurité alimentaire définissant une situation de fait à une notion de sécurisation alimentaire (Touzard, Temple, 2012) en tant que processus qui met en dynamique le lien entre alimentation et production. À partir de cette approche de sécurisation alimentaire, il ne s'agit plus seulement d'assurer un recours à l'aide alimentaire pour les personnes en situation de précarité mais de construire des modes d'accès à une alimentation durable comme éléments de citoyenneté. Le concept de démocratie alimentaire déploie alors toute son utilité, à la fois dans une dimension de nouveaux droits sociaux et d'action collective.
Quelles pistes pour l'aide alimentaire ?
La politique de l'offre a conduit les différents intervenants à une vision basée sur la seule façon de trouver des ressources et augmenter la distribution. Dans le contexte de cette, une partie des familles et personnes en situation de précarité ont cessé de chercher d'autres pistes et sont captifs. Un paradoxe naît de cette situation problématique :
- D'un côté, une offre généralisée d'accès à l'alimentation pour les populations vulnérables sur le modèle de la distribution alimentaire avec une délégation de la prescription à des intermédiaires : opérateurs historiques (et nouveaux) et un corps professionnel, à savoir les travailleurs sociaux,
- De l'autre, une partie de la population française, consciente des enjeux de la transition écologique, revendique de reprendre la main sur les conditions de son alimentation. L'exemple des circuits courts mis en avant comme solution en est une bonne illustration.
- D'un côté, la valorisation du modèle alimentaire basé sur le plaisir de manger et de manger ensemble,
- De l'autre, la responsabilisation individuelle basée sur des messages de santé publique qui vont plutôt vers une nutritionnalisation de l'alimentation.
Cela laisse dans l'ombre d'autres aspects :
- La course en avant conforme à la logique d'un système productiviste d'accès aux ressources pour continuer à approvisionner le dispositif d'aide alimentaire.
- L'augmentation des bénéficiaires à l'aide alimentaire : si 4,8 millions de personnes utilisent l'aide alimentaire en France, 4 millions de personnes ne l'utilisent pas et y accèdent autrement.
- Les présupposés sur la pauvreté : des pauvres qui ne savent pas faire la cuisine, leurs courses et à qui il faut apprendre.
- Et surtout, c'est faire table rase de 50 années de culture populaire sur la façon de vivre pendant les 30 Glorieuses puis l'adaptation à la crise et ses conséquences actuelles.
La représentation servant de présupposé à l'aide alimentaire est celle de la grande précarité, à savoir, les personnes sans domicile fixe et la nécessaire prise en charge par l'Etat (ou les collectivités locales) de fournir de quoi satisfaire leurs besoins vitaux. En toile de fond, cette représentation sert à justifier l'expansion de l'aide alimentaire en présupposant que les familles à petits budgets et les personnes en précarité n'ont pas d'autres solutions pour manger que celle d'avoir recours à la distribution d'aide alimentaire. Or cette réponse est un choix de politique publique, et non une réponse coulant de source, issue d'une histoire de la place de la question sociale dans notre pays.
Quelles perspectives dans une approche de transition écologique ?
L'amélioration de la sécurisation alimentaire peut se faire en intervenant sur les 4 éléments du système alimentaire de façon conjointe : la production, la transformation, la distribution et la consommation.
Il s'agit d'un changement dans l'approche de solutions : en effet, celles-ci sont pensées dans une approche systémique et non plus en silo et se concrétisent en passant d'une politique de l'offre à une politique partant de la demande et de l'offre conjointe. C'est-à-dire reconnaître et soutenir l'innovation sociale entendu comme la façon dont les personnes trouvent des réponses à leurs besoins de vie quotidienne, centrées sur la participation de tous et la démocratie dans les territoires.
- Première piste : remettre les personnes au coeur de la réponse,
- Deuxième piste : penser système alimentaire et ne plus traiter séparément les quatre éléments du système,
- Troisième piste : mettre l'accent sur les conditions d'accès.
Nous qualifions l'accès à la sécurité alimentaire par trois caractéristiques (Ndiaye, Paturel, 2016) :
- Une première sur l'accessibilité énoncée dans le droit à l'alimentation : il s'agit à la fois d'un accès économique et physique à la nourriture mais également de produits alimentaires adaptés aux besoins nutritionnels et culturels de la population (notamment en respect des religions).
- Une deuxième sur les conditions du mode de production de l'alimentation : circuits longs, circuits courts, agriculture paysanne, conventionnelle, etc. C'est aussi la question de la durabilité à la fois environnementale et sociale du mode de production qui posera la question des générations futures.
- Une troisième sur les conditions d'accès à l'information et/ou à l'éducation sur ce qu'est un système alimentaire durable : cette caractéristique est rarement évoquée alors qu'elle semble essentielle pour démocratiser les choix alimentaires et introduire des changements tant dans les politiques publiques que les comportements alimentaires.
En raisonnant ainsi, nous faisons apparaître plusieurs controverses :
- Accès à l'alimentation vs aide alimentaire
- Autonomie des précaires vs émancipation
- Dispositif d'aide alimentaire vs système alimentaire
Le système alimentaire aborde la production, la transformation, la distribution et la consommation comme des éléments systémiques ne pouvant se traiter de façon indépendante : l'aide alimentaire en est un des éléments mais il faut reconnecter celle-ci avec les autres éléments du système.
AA déconcentrée : Aide Alimentaire déconcentrée
ANDES : Association Nationale de Développement des Epiceries Solidaires
BOP : Le Budget Opérationnel de Programme est la réplique d'un programme à l'échelle d'un service et/ou d'un territoire.
CCAS/CIAS : Centre Communal d'Action Sociale / Centre Intercommunal d'Action Sociale
CNES : Crédit National pour les Epiceries Sociales
CRF : Croix-Rouge Française
CS : Cohésion sociale
FAM : Mécanisme de Lutte contre la Famine
FEAD : Fonds Européen d'Aide au plus Démunis
FFBA : Fédération Française des Banques Alimentaires
FSE : Fonds Social Européen
GMS : Grandes et Moyennes Surfaces
IAA : Industrie Agro-Alimentaire
Imagine 84 : Collectif d'associations qui luttent contre l'exclusion en Avignon et sans le Vaucluse.
UNCASS : Union Nationale des Centres Communaux d'Action Sociale
Auteur :
Dominique PATUREL, Institut National de la Recherche Agronomique
Source :
Cet article est issu du « Dossier-ressources Agriculture & Alimentation » , édité par le Réseau Régional Éduquer en Santé-Environnement Occitanie.