Méthode
Type
Fiche techniques d'animation

Débat mouvant, ou "jeu de la ligne" et "rivière du doute"

Mots clés

Le débat mouvant s'articule autour de quelques affirmations vis-à-vis desquelles les participants doivent se positionner en étant « d'accord » ou « pas d'accord », pour ensuite formuler leurs arguments qui peuvent faire changer d'avis - et donc de position - les autres participants.

Objectifs

- Aborder un sujet délicat voire polémique de façon directe
- Faire exprimer les représentations, les idées, les opinions, et les désaccords
- Favoriser le débat et permettre une évolution des points de vue
- Amener les participants à réfléchir à des dimensions éthiques ou politiques sur le thème de la journée
- Se mobiliser physiquement et sentir physiquement que l'on peut changer ou nuancer son avis en écoutant des arguments.

Préparation

Choisir un thème de travail et rédiger des affirmations polémiques par rapport auxquelles les membres du groupe devront se positionner. Les formuler de façon à permettre une progression pédagogique sur le thème.

Attention, la réussite du débat mouvant réside dans le choix des affirmations, ce qui demande un réel temps de travail de formulation.
Quelques règles pour les choisir :

  • il doit s'agir d'affirmations (pas de questions !) : affirmer une position de sorte à pousser les participants à être pour ou contre, cela favorisera ainsi le côté dérangeant, provocant ;
  • les affirmations doivent faire débat et/ou provoquer une difficulté à se positionner d'un côté ou de l'autre ;
  • utiliser des mots comme : « vaut », « est nécessaire », « doit être », « c'est toujours », « est utile », « rien » ; ce sont des mots ou expressions affirmatives qui vont provoquer des réactions par leur caractère un peu péremptoire
  • choisir les termes de sorte que les participants aient besoin de les définir.

Exemples de phrases types :
« Pour faire participer, l'animateur doit être neutre.»
« Le développement durable, c'est toujours mieux que rien.»
« La parole de l'habitant ne vaut pas celle d'un élu.»
« Les préoccupations écologiques, c'est un problème de riches.»
« L'éducation à l'environnement, c'est pour protéger la nature.»
« L'éducation à l'environnement, c'est apprendre aux gens.»

Le débat mouvant permet spécifiquement le déplacement pour mettre en avant la diversité des avis et la complexité des sujets abordés.

 

Installation

Délimiter un terrain coupé en deux par une ligne imaginaire ou matérialisée par une corde, un foulard…
Sur un côté, placer sur le mur du fond le panneau « D'accord », et à l'opposé, de l'autre côté, le panneau « Pas d'accord » 

Consigne

- énoncer la première affirmation, puis l'écrire ou la projeter pour permettre aux participants de la relire autant de fois que nécessaire ; les personnes vont pouvoir se positionner dans cet espace de chaque côté de la ligne ; l'espace entre la ligne et le mur permettant d'exprimer toutes les nuances. On peut également permettre de se positionner au milieu, sur la ligne, en explicitant que ce choix doit être assumé, que les personnes doivent pouvoir argumenter pourquoi elles sont à la fois en accord et en désaccord avec l'affirmation. Le risque serait sinon que des personnes choisissent le consensus, par peur de se positionner plus que par choix délibéré : elles doivent donc être en capacité d'argumenter cette position médiane.
- chacun va ensuite pouvoir justifier sa position.
Préciser « Si les arguments donnés par les uns ou les autres me font réfléchir, je peux décider de bouger et de changer de positionnement ».

 

Déroulement

Animation du débat

Il y a plusieurs façons d'animer le débat :
– vous pouvez donner la parole à une personne d'un côté de la ligne, puis à une autre de l'autre côté de la ligne, tour à tour. Une personne parle à la fois. Un seul argument est proposé à la fois. Dans ce cas, il est envisageable aussi de limiter à un argument par personne pour favoriser la participation de tous. On peut notamment choisir de donner d'abord la parole à la personne la plus éloignée de la ligne centrale (qui, parce qu'elle est la plus loin de la ligne ou rivière du doute, a l'opinion la plus tranchée), pour ensuite donner la parole à la personne du camp adverse qui est la plus éloignée elle aussi de la ligne, puis à quelqu'un qui a choisi de se positionner sur la rivière du doute. Il faut ensuite s'assurer de prendre les demandes de prises de parole des personnes qui lèvent la main pour s'exprimer, en s'assurant de bien passer d'un « camp » à l'autre.
– vous pouvez laisser quelques minutes à chaque « camp » pour débattre en son sein et formuler des arguments collectifs qui seront énoncés par un ou des porte-parole. Sur le même principe, lors de l'annonce des arguments, laissez la parole à un groupe puis à l'autre, un seul argument à la fois ;
– si le groupe est important, des sous-groupes peuvent se former de chaque côté de la ligne pour formuler plusieurs arguments. Le fait de faire préparer des arguments en petits groupes génère une cohésion au sein des groupes, mais limite le phénomène de mouvements entre les deux camps.

Dans tous les cas, donner la règle de ne pas chercher à l'emporter d'un côté de la ligne à l'autre. L'idée n'est pas de se renvoyer des arguments les uns par rapport aux autres, mais bien d'énoncer l'ensemble des arguments qu'ils soient liés ou non.

- L'animateur (ou le secrétaire s'il y en a un) peut prendre note des arguments proposés si un temps d'analyse est prévu par la suite, ou pour garder en mémoire les positionnements de départ .

- On peut ensuite faire une synthèse des idées exprimées et passer à l'affirmation suivante, ou s'abstenir de la synthèse pour laisser librement les participants s'approprier leurs différences.

Clôture

- Stopper les débats une fois le temps écoulé ou quand le tour des arguments a été fait. Il peut être nécessaire d'ajuster le nombre d'affirmations préparées au temps dont on dispose une fois les échanges commencés, en supprimant éventuellement des affirmations, afin de permettre des débats approfondis.
- On peut éventuellement après le débat apporter des informations l'éclairant.

 

 

Points de vigilance

Les désaccords mis en avant à travers le débat mouvant sont de différentes natures. Il peut y avoir de réels désaccords autour de l'affirmation, et dans ce cas, l'objectif est de mettre en avant la divergence des avis et de favoriser la prise en compte et l'acceptation les uns par les autres de l'ensemble des avis.
Les désaccords peuvent aussi ne pas réellement en être, mais plutôt être dus à une définition des termes. L'échange autour des termes permet d'aller vers une culture commune autour du sujet abordé.

 

Variantes possibles

Une autre variante est appelée « rivière du doute » : on rajoute un espace au centre pour celles et ceux qui ne parviennent pas à prendre position sur une berge ou une autre. Chaque berge cherche alors à convaincre les personnes prises au doute. Cette formule accentue souvent le côté ludique de ce qui peut devenir une joute verbale… le risque est celui d'une montée en compétition entre les deux camps qui place les personnes du milieu en « arbitres »… Mais avec une animation attentive à prévenir les débordements, cette variante peut ensuite être mise en observation, pour permettre ainsi de prendre un recul critique sur un type d'échange assez fréquent dans la vie sociale, en perspective avec une animation des débats plus respectueuse de la nature des arguments (ainsi qu'on l'expérimente dans la première version qui permet de changer de positionnement au fur et à mesure des échanges) que de l'intention de convaincre.

Dans le cas de grands groupes, à la suite de l'énoncé des affirmations, les temps de préparation des arguments dans chaque camp peuvent être de réels temps de construction collective (autour d'une table, avec un temps donné) plus conséquents que quelques instants, dans la perspective de construction d'un plaidoyer par exemple. Ces temps peuvent être suivis de l'annonce des arguments par chaque camp sous le même format ensuite (debout, délimitation de l'espace).

Sources ayant permis la rédaction de cet article

« Des outils d'animation pour mettre en œuvre la participation. Guide pratique d'accompagnement pour mettre en œuvre et animer un projet participatif en Guyane », Graine Guyane, septembre 2017

Douiller Alain et coll. « 25 techniques d'animation pour promouvoir la santé », Ed. Le Coudrier, 2015 (2ème édition)